Régime sans sucre pour les All Blacks
Par Thierry Souccar – Journaliste et auteur scientifique, directeur de laNutrition.fr Publié le 02/11/2015 Mis à jour le 06/09/2023
Que mangent les All Blacks opposés à l’équipe de France en ouverture de la Coupe du monde de rugby 2023 ? Une alimentation de type low carb, plus riche en graisses, au moins en période d’entraînement, qui se rapproche du régime Atkins, voire paléo. Explications, témoignages et exemples.
Derrière l’impressionnant record de victoires de la Nouvelle-Zélande en rugby, il y a bien sûr le mental, le talent et l’entraînement, parfaitement décrits dans le livre de James Kerr, Les Secrets des All Blacks (nouvelle édition parue en 2023). Selon Nic Gill, responsable depuis 16 ans de la préparation physique, les joueurs suivent un régime alimentaire à faible teneur en sucre, avec moins de glucides, plus de graisses, pas très loin des régimes type Atkins, voire paléo. Ce régime est très loin du régime « pasta » classique suivi par l’équipe de France de rugby en 2015.
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« Paléo, LCHF, jeûne intermittent »
Nic Gill veille depuis 2007 à la condition physique de l’équipe nationale de rugby de Nouvelle-Zélande. Il est aussi professeur et chercheur en sciences du sport à l’université technologique d’Auckland (AUT, Nouvelle-Zélande) et à ce titre très impliqué dans l’optimisation de l’environnement du sportif, qu’il s’agisse d’entraînement de force ou d’alimentation.
« Il y a quelques années, dit Nic Gill, j’ai commencé à expérimenter le régime Warrior d’Ori Hormekler. Le concept m’a séduit : manger à peu près tout ce que je voulais, mais dans une fenêtre alimentaire limitée, à la fin de la journée. Ce régime est basé sur l’alimentation paléo et des considérations anthropologiques. J’ai aussi remarqué que je mangeais souvent non pas par faim mais par habitude. Je pense que c’est très important de comprendre cela – les habitudes et non pas la faim décident de notre prise alimentaire. »
Nic Gill a découvert que plus il mangeait gras le soir, moins il avait faim le lendemain, qu’il contrôlait les fringales et que d’une manière générale il se sentait mieux : un régime de type paléo version low carb, riche en graisses (LCHF) avec du jeûne intermittent. « C’est vraiment le meilleur régime pour moi, dit-il. Les avantages de la flexibilité métabolique sont énormes. Je ne suis pas obligé de manger parce que j’ai faim. Je peux choisir de manger quand je veux, pas quand je dois. Je mange donc beaucoup de matières grasses, peu de glucides quasiment tout le temps, sauf dans les triathlons où j’avale un peu de glucides. Je mange des aliments sains entiers. La seule chose que j’évite est le lait. Je ne le digère pas, donc je l’ai remplacé par de la crème. »
L’expérience et les recherches de Nic Gill ont influencé le régime alimentaire des All Blacks, qui est, en période d’entraînement, moins riche en glucides, à l’inverse du régime pour sportifs classique riche en pommes de terre, pâtes, riz.
« Les joueurs ont compris qu’il faut éliminer le sucre »
Le film et le livre SUGARLAND , de Damon Gameau ont eu une influence considérable sur les All Blacks, raconte Nic Gill. Sugarland décrit les dégâts que le sucre provoque dans l’organisme, à court et à long terme. « Avant de voir ce film et de lire le livre, dit Nic Gill, les All Blacks avalaient des boissons énergétiques sucrées et parfois même du sucre pur après l’entraînement et les matches. »
« La plupart des gars comprennent maintenant qu’il faut éliminer le sucre. Nous avons fait un sacré chemin. Je dirais que l’équipe baigne maintenant dans un environnement pauvre en sucre et c’est un grand changement. » Pour autant, l’équipe ne s’est pas convertie au cétogène, et ne le fera sûrement pas compte tenu des contraintes métaboliques du rugby moderne. Cependant, plusieurs joueurs tournent avec peu de glucides et plus de graisses et de protéines, comme le talonneur Dane Coles, qui lui attribue un gain de masse musculaire (il pèse 110 kilos), sans graisse corporelle superflue. « Je ne dirais pas que les gars suivent un régime totalement LCHF, mais nous avons de bonnes graisses à notre disposition quand c’est nécessaire, » dit Gill. « Il y a maintenant des noix après l’entraînement, pas des aliments sucrés. L’équipe consomme 6 à 7 bidons d’huile de noix de coco par semaine. Nous prenons avec nous du beurre d’arachide et du beurre de noix en déplacements et les joueurs les ajoutent aux smoothies ou à d’autres occasions. »
La conversion des All Blacks à un régime plus pauvre en glucides a bien sûr fait des émules.
Low carb sur mesure
«Je dirais que la plupart des équipes sportives professionnelles suivent une alimentation pauvre en sucre, et plus pauvre en glucides ou carrément low carb, dit Nic Gill. La nutrition sportive est en train de changer à toute vitesse. »
La plupart des équipes sportives professionnelles suivent une alimentation pauvre en sucre
Les voisins australiens ont entamé cette conversion, comme le confirme le troisième ligne David Pocock, qui s’est lui-même converti au régime LCHF. Il a constaté qu’un régime cétogène (moins de 50 grammes de glucides par jour) lui ôtait du punch, donc il tourne aujourd’hui à 150 grammes de glucides par jour, à comparer aux 500 grammes quotidiens de certains de ses partenaires. Grâce à cette alimentation, il a perdu de la graisse corporelle, sans perdre ni masse musculaire, ni explosivité, ni endurance.
James Lowe, ancien ailier et arrière All Blacks, qui joue pour la province irlandaise du Leinster (championne d’Europe 2018) a lui aussi réduit ses glucides. Il n’en mange plus au repas du soir. « J’évite les glucides le soir parce que j’ai tendance à les stocker sous forme de graisses. » Ces repas sans glucides, dit-il, lui ont donné un surplus d’énergie pour les entraînements et les jours de match.
Sur la base des déclarations de Nic Gill, voici ce à quoi pourraient ressembler les repas des All Blacks :
Menu-type pour les jours de préparation
- Petit déjeuner : Omelette avec des œufs entiers. Possibilité d’ajouter du bacon bio, des champignons, des épinards et de l’avocat. Amandes, noix. Ni fruits ni céréales, ni pain.
- Déjeuner : Viande ou poisson ou légumes secs, légumes frais, peu de fruits, pas de pâtes ni de riz.
- Dîner : Poisson gras riche en oméga-3 comme le saumon. Légumes frais ou secs, yaourt, baies.
Menu-type pour les jours de match
- Petit déjeuner : Toasts avec beurre d’arachide et tomates rôties. Omelette aux blancs d’œufs, cuite à l’huile de noix de coco mélangés. Epinards et demi-avocat. Noix de cajou. Fruits frais, dont orange et banane pour leur teneur en potassium.
- Déjeuner : Poulet maigre, riz, pâtes et patates douces 3 heures avant l’échauffement.
- Avant-match : Porridge avec bananes, beurre d’amande et miel.
- Après-match : Noix et beurre de noix, eau et fruits, plus un shake de protéines de whey, bananes et noix.
- Dîner : Viandes rouges dont steak, côtelettes d’agneau et ribs. Légumes verts, notamment épinards, choux de Bruxelles et guacamole, patates douces.
4 livres pour tester la préparation mentale et nutritionnelle des All Blacks (et ses variantes) :
- Les Secrets des All Blacks, de James Kerr
- SugarLand, de Damon Gameau
- Le Grand livre de l’alimentation cétogène, de Nelly et Ulrich Génisson
- Ultra-performance – Entraînement à glycogène bas, du Dr Fabrice Kuhn
(Copyright photo des All Blacks : Marco Iacobucci EPP/ Shutterstock.com)